Julien Manceaux, senior economist -ING

Etats-Unis – Une croissance toujours solide

Aux Etats-Unis, la croissance au troisième trimestre s’est établie à 3,5%. Pour Donald Trump, c’est probablement une bonne nouvelle car il semble vouloir faire valoir les atouts économiques pour rallier le vote des républicains à l’approche des élections de mi-mandat du 6 novembre. Sans surprise, la consommation privée a fortement contribué à la croissance (2,7%), boostée les réductions d’impôts, la hausse des salaires et un marché de l’emploi tendu. Les exportations nettes ont par contre contribué défavorablement à la croissance (- 1,8%). Nous estimons que la croissance du quatrième trimestre devrait également être dynamique. Pour 2019, nous pensons que la croissance risque de ralentir. En effet, le resserrement de la situation financière – lié à la hausse des taux d’intérêt et au raffermissement du dollar – pourrait commencer à se faire sentir, tandis que les incertitudes commerciales persistantes pourraient restreindre l’activité de manière plus visible. Cependant, le marché de l’emploi tendu et les répercussions positives sur la croissance des salaires qui en résulteront devraient rester présentes l’année prochaine. Nous tablons sur une croissance de 2,4% pour 2019.
Zone Euro – Le budget italien continue d’inquiéter 

Le budget italien a fortement animé les marchés la semaine passée. Mardi, la Commission européenne a demandé à l’Italie de réviser son budget pour 2019. Une telle demande de révision n’avait encore jamais eu lieu. Si la Commission se dit prête à dialoguer, les autorités italiennes ont déjà fait savoir qu’elles ne souhaitaient pas modifier de manière substantielle leur budget. Le gouvernement italien a maintenant un délai de trois semaines pour revoir ses plans. En attendant, l’incertitude devrait demeurer et les marchés pourraient continuer à réagir négativement. D’autre part, la confiance des consommateurs a légèrement augmenté dans la zone euro en octobre, pour atteindre -2,7 contre -2,9 en septembre (voir topic). Malgré cette faible hausse de la confiance, la consommation des ménages ne devrait pas être très dynamique dans les prochains mois. En outre, les indices PMI ont baissé (voir topic), ce qui indique affaiblissement de la dynamique économique de la zone euro au début du quatrième trimestre et pourrait impacter négativement la croissance trimestrielle. La BCE s’est réunie jeudi. Les taux directeurs ont été laissés inchangés et devraient rester à ce niveau au moins jusqu’à l’été 2019. La BCE reste déterminée à poursuivre sur la voie choisie en juin pour mettre fin au QE net à la fin du mois de décembre 2018 (voir topic).

Chine – Le ralentissement de croissance se poursuit 

La croissance du PIB chinois a ralenti au 3ème trimestre de 6,7% à 6,5% sur un an. En plus de 20 ans, il n’y a qu’au premier trimestre 2009 qu’il a été si bas. Cela reflète certes le modèle de croissance de l’économie chinoise, mais également le fait que les nouveaux moteurs de croissance ont du mal à prendre le relais sur les investissements et les exportations. La consommation privée est notamment ralentie par un taux d’épargne élevé. Les ventes de détail par exemple, qui croissaient de 12,5% par an en moyenne entre 2013 et 2016, ont vu leur croissance retomber à moins de 5% depuis l’été dernier. Ce moindre dynamisme a des conséquences tant pour le commerce mondial que pour les carnets de commandes industrielles ailleurs dans le monde (Cf. Topic).
Zone euro : l’automne s’installe

Lors de la traditionnelle conférence de presse suivant la réunion des Gouverneurs, Mario Draghi s’est montré déterminé, jeudi dernier, à poursuivre sa stratégie de sortie d’une politique monétaire expansive. La correction sur les marchés de ces derniers jours n’y aura donc rien changé. Mario Draghi s’est dit confiant dans la capacité de l’Italie à trouver un accord avec la Commission et a reconnu un « momentum » économique « plus faible ». A en croire les derniers indicateurs d’activité, cela tient de l’euphémisme.
Les indicateurs PMI se sont en effet repliés au mois d’octobre dans la plupart des pays où ils sont produits. L’indicateur composite pour l’ensemble de la zone euro s’est replié de 54,1 à 52,7, un plus bas de 25 mois. Comme le montre le Graphique 1, la baisse par rapport aux plus hauts niveaux observés en 2017 est importante, tant dans les services que dans le secteur manufacturier.
Ce dernier, plus orienté vers les exportations, est cependant plus impacté par les incertitudes pesant autour du Brexit, d’une éventuelle guerre commerciale et – surtout – du ralentissement de la dynamique économique chinoise qui affecte le commerce mondial. Si ces risques ne sont pas encore tous très matériels, il est évident que les doutes s’accumulent, en particulier au vu des carnets de commandes de l’industrie, qui diminuent depuis quelques mois. On voit que la baisse de régime est particulièrement forte en Italie, et en Allemagne où le secteur automobile doit faire face à une moindre demande, tant européenne que chinoise.

Du côté du secteur des services, c’est en Espagne et en France que le changement est le plus prononcé sur les derniers mois (toujours au Graphique 1). Toutefois, au vu de la baisse de confiance des consommateurs en zone euro (Cf. Graphique 2), il est naturel que tous les pays soient concernés par une baisse d’activité dans les services. Un des responsables de ce ralentissement est le prix du baril de pétrole qui est passé de 45€ au début 2017 à près de 70€ aujourd’hui, grevant les intentions d’achats des ménages malgré un marché du travail généralement en excellente santé.
En effet, la croissance de l’emploi a été dynamique dans l’ensemble de la zone euro ces deux dernières années et plusieurs pays (Allemagne, Irlande, Benelux) sont aujourd’hui proches du plein emploi. Le taux de chômage en zone euro est ainsi passé de 9,9% à 8,1% au cours des deux dernières années. Cela ne s’est pas encore traduit pas des pressions salariales à la hausse. Or, à ce stade, pour que la croissance de la consommation continue de soutenir la reprise européenne, des gains supplémentaires de pouvoir d’achat seraient nécessaires. Pour l’instant, nous attendons une diminution de la croissance de la consommation des ménages en 2018 et en 2019, à 1,6% et 1,5% respectivement après 1,7% en 2017.
Tant la correction des marchés de ces derniers jours que ces indicateurs d’activité et de confiance indiquent que le ralentissement du « momentum » n’est sans doute pas temporaire. Attention, la récession ne guette pas pour autant : l’Allemagne continue d’avoir un taux de croissance largement supérieur à son potentiel, plusieurs états européens ont délié le cordon de leur bourse (à commencer par l’Italie) et les conditions de financement restent extrêmement accommodantes alors que l’utilisation des capacités de production a atteint des niveaux élevés (84% en zone euro au début du 4ème trimestre). Cependant, les tensions présentes aujourd’hui sur les marchés, additionnées au changement de cap de la BCE en 2019, pourraient faire ralentir la dynamique du crédit au cours de l’année prochaine. C’est ce qu’illustre le Graphique 3 où les primes de risques pour les emprunts à 5 ans des entreprises cotées BBB ont augmenté de 60pb cette année, ce qui devrait amener un ralentissement de la croissance du crédit aux entreprises d’environ 1pp en 2019.

Si, en parallèle, la dynamique américaine devait ralentir comme nous le pensons et si l’économie chinoise poursuivait son atterrissage en douceur, la croissance ralentirait fortement en seconde partie de 2019 en zone euro, laissant peu d’occasion à la BCE de relever ses taux (notre scénario n’incorpore que deux hausses de taux, fin 2019 et début 2020). En outre, dans ces conditions, de nouvelles tensions autour de la dette de certains pays périphériques pourraient bien être exacerbées. Si l’hiver n’est pas encore là, l’automne a bien démarré : il est temps de se couvrir pour ne pas s’enrhumer…

 

By Action Future

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