Par Hervé Goulletquer – stratégiste-direction de la gestion- LBPAM (L’echo du matin)

Il ne faut pas se tromper ; l’ambiance plus légère sur les marchés ne signifie pas que des progrès sont en cours au niveau des négociations entre Pékin et Washington. Plus simplement, une « reprise de souffle » était nécessaire, tandis que l’Administration Trump se rend aussi compte qu’il n’est simplement pas possible de « courir tous les lièvres à la fois ».

Un jour passe et tout change ! Peut-on y croire ? Sans doute pas ; même si les marchés ont réagi positivement aux signaux envoyés par le G7 de Biarritz. Si on ne doit s’arrêter qu’au cœur du message envoyé, il faut retenir que le système international n’est peut-être pas aussi dysfonctionnel que ce n’est craint. Les Etats-Unis et ses plus proches alliés en Amérique du Nord, en Asie et en Europe sont capables de se retrouver sur des « lignes » proches en matière de croissance mondiale, de relations commerciales et de situation au Moyen-Orient. Même si, sans surprise hélas, la Maison Blanche fait largement « bande à part »  sur la question environnementale.

 

Le point central est la position du Président Trump concernant le commerce bilatéral avec le Japon, l’Europ et la Chine. Il affirme que des accords ne seraient pas loin d’être trouvés avec les deux premiers partenaires. La crainte d’une « guerre des droits de douane » serait alors à remiser. La communauté des affaires ne peut que « pousser un ouf de soulagement ». Vis-à-vis de la Chine, le ton est aussi à la détente, avec la double affirmation que Pékin est toujours désireux de négocier pour arriver à un accord et que Washington est prête à saisir la main tendue. Remarquons toutefois que la partie chinoise n’a pas confirmé cet « appel du pied », dont elle serait pourtant à l’origine !

 

Essayons de donner du sens à ses faits. L’Administration américaine ne peut sans doute pas « courir tous les lièvres à la fois ». Si le dossier chinois est au centre de ses préoccupations, sans doute est-il nécessaire de « lâcher du lest » sur le dossier des relations commerciales avec l’Europe et le Japon ; tout comme il paraît avisé de rechercher à faire « baisser la pression » diplomatique, voire militaire, aux confins des mondes arabe et perse.

 

Par rapport à la Chine, la ligne choisie par le Président Trump n’a probablement pas changé : forcer les autorités de Pékin à bouger, en limitant les effets négatifs sur l’économie américaine. Après le stress de la semaine dernière (cf. notre commentaire d’hier), une « reprise de souffle » était une nécessité ; simplement pour que le dossier reste gérable et ne se mette pas à suivre de façon autonome une « course folle », par le simple jeu de la surenchère dans les réactions de chacune des parties aux initiatives de l’autre. Trois conclusions s’imposent alors : 1) aucun des deux gouvernements n’est aujourd’hui prêt à changer de posture (il n’est pas question de donner l’impression de céder), 2) le dossier des relations sino-américaines ne va pas disparaître du « devant de la scène » avant longtemps, 3) le risque d’une perte de contrôle par les deux acteurs est réel. Si on a qualifié de « guerre froide » les relations entre les Etats-Unis et l’URSS des années 50 au début des années 90 (rivalité stratégique et militaire sur fond de grande faiblesse des relations économiques), peut-être faudra-t-il employer l’expression de « guerre glaciale » celles à venir entre la Chine et les Etats-Unis, sur fond de rivalité stratégique et économique, voire militaire.

 

C’est dans ce contexte que l’économie continue d’avancer ; généralement à petite foulée. Une fois encore l’indice IFO, retraçant le momentum de l’activité en Allemagne, a baissé en août. Cela vaut tant pour le constat sur la situation actuelle que pour les perspectives. La « panne » de la croissance paraît donc s’être poursuivie au cours du troisième trimestre. Le constat ne peut que raviver le débat sur la nécessité d’une relance budgétaire. Disons trois choses en la matière. D’abord, le consensus sur le fait de devoir agir n’est pas encore atteint. Ensuite, les contraintes juridiques à la mise en place d’un budget fédéral de soutien à l’activité sont fortes depuis les mesures prises en 2009. A côté de l’obligation de maintenir l’équilibre des comptes en moyenne sur le cycle conjoncturel, le déficit structurel ne peut dépasser 0,35% du PIB, sauf circonstances exceptionnelles validées par un vote du Parlement. L’excédent structurel est actuellement estimé à 0,6% du PIB. Berlin disposerait donc d’une marge de manœuvre d’environ 1 point de PIB. Enfin, il reste à employer cette « manne » à bon escient. Rappelons que lors de la dernière expérience de relance en Allemagne (2008 – 2009), l’effet multiplicateur sur la croissance avait été, selon les estimations, de 0,25 à 0,40 (source UBS). Pour calibrer les anticipations, le cadre institutionnel et ces ordres de grandeur sont à garder à l’esprit.

 

Dans ces conditions, les attentes des marchés par rapport aux décisions à venir de la BCE sont grandes. Disons que si le marché est très largement convaincu que celle-ci doit assouplir son réglage monétaire, le consensus à l’intérieur du Conseil des gouverneurs sur ce qui est nécessaire de faire n’est pas encore formé. Ainsi, hier, le Président de la Bundesbank a manifesté sa réticence. La position est plus dure que celle manifestée il-y-a quelques petits mois. Pourquoi ? Vraie conviction sur l’environnement économique européen ou retour à un classicisme « bundesbankien » de la part d’un candidat déçu à la présidence de la BCE ?

By Action Future

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