Elisabeth Iliesco
La correction brutale des marchés actions peut causer de lourdes pertes chez les détenteurs de portefeuilles boursiers. La situation est même catastrophique pour ceux qui ont commencé à investir au plus haut des marchés, lorsque les indices ont déjà fortement progressé.
Pourtant il est une frange des investisseurs qui a su tirer profit de la situation : les investisseurs actifs.
Il y a en premier lieu ceux qui ont pu couvrir leur portefeuille boursier contre la baisse des marchés.
Mais il y a surtout les traders qui ont utilisé à bon escient l’arsenal des outils qu’ils ont à leur disposition pour spéculer à la baisse et ainsi réaliser de confortables plus-values.
Cette activité de trading qui consiste à intervenir activement sur n’importe quel marché dans le but de profiter des mouvements de hausse ou de baisse à très court terme, apparaît dans un cataclysme financier comme la seule possibilité de générer des profits sur les marchés. Un signe ne trompe pas : l’intérêt croissant que portent les particuliers, investisseurs chevronnés ou novices, à ce mode d’investissement.
L’objet de cet article est justement de leur apporter des réponses claires sur cette approche un peu particulière.
Définition et typologie
Le trading consiste à intervenir en Bourse pour capter des mouvements de marché de courtes périodes qui se développent sur quelques minutes, quelques heures ou quelques jours. Le trader peut ainsi parier sur ces mouvements de très court terme, qu’ils soient haussiers ou baissiers, puisque les produits disponibles permettent de jouer les deux sens. Aujourd’hui, le trader peut prendre des positions sur la plupart des actif cotés (actions, devises, taux, matières premières) en utilisant, ou non, l’effet de levier qui permet d’augmenter la rentabilité d’un placement spéculatif… mais aussi les pertes en cas de mauvaise anticipation !
Chez les particuliers on distingue deux catégories de traders. Les actionnaires actifs et les spéculateurs. Les premiers possèdent un portefeuille d’actions et réalisent occasionnellement quelques opérations de trading pour en optimiser son rendement. Leur portefeuille boursier leur assure un rendement de long terme et leur trading leur permet d’intervenir de façon opportune sur des mouvements de court, voire de très court terme. Le montant alloué à l’activité de trading peut ainsi représenter jusqu’à 5% de la valeur de son portefeuille boursier.
Le spéculateur quant à lui, ne possède pas de portefeuille boursier et son activité de trading représente l’essentiel de son investissement, dans tous les sens du terme, puisque c’est un métier à part entière qui impose de suivre les marchés en temps réel. Les spéculateurs interviennent fréquemment et peuvent faire plusieurs allers-retours par jour, pour ceux d’entre eux qui spéculent à très court terme. C’est l’activité la plus risquée dans le monde de l’investissement mais elle peut générer des performances exceptionnelles en un minimum de temps. En effet, le fait de suivre les cours de Bourse pendant toute la séance multiplie les opportunités d’investissement, ce qui, combiné à l’utilisation des produits à effet de levier peut permettre de générer beaucoup d’argent en une seule journée de trading. Elle permet surtout aux meilleurs traders, une petite minorité, de leur assurer des rendements annuels à deux chiffres.
Les produits dérivés
Les produits financiers utilisés pour le trading sont essentiellement des produits dérivés, c’est-à-dire des produits dont le prix dépend de la valeur du sous-jacent sur lequel il porte. Ces produits spéculatifs par excellence trouvent leur intérêt dans l’effet de levier qu’ils procurent car ils permettent de décupler la performance ou malheureusement la perte d’une position.
Le principe est simple : à partir d’une somme donnée le trader peut intervenir pour un montant beaucoup plus important, pouvant représenter de 2 à 20 fois la somme investie. Par exemple, avec 1.000 € on va pouvoir acheter ou vendre pour 5.000 € d’actif. Si notre spéculateur anticipe une hausse de cet actif il peut donc acheter, en immobilisant 1.000 €, pour 5.000 € de cet actif soit 5 fois plus (effet de levier de 5). Si cet actif progresse de 1%, le spéculateur va donc gagner 5.000 x 1/100 = 50 €. Rapportée au montant investi (1.000 €) sa performance est donc de 5%. Il a donc bien bénéficié d’un effet de levier de 5. Si l’actif avait non pas gagné mais perdu 1%, la perte se serait aussi élevée à 5%.
Il existe de nombreux types de produits dérivés. Nous ne présentons ici que ceux qui offrent le plus grand intérêt pour du trading à court terme, ceux dont la valorisation dépend presque uniquement du sous-jacent sur lequel ils portent. Sur ce principe nous avons volontairement écarté les produits plus complexes comme les warrants ou les options dont le prix intègre une valeur temps et est sensible aux évolutions de la volatilité.
Les Futures (contrats à terme)
Produits phares de la spéculation, les marchés de futures créés initialement pour des raisons économiques, afin de permettre aux acteurs économiques de se couvrir contre les risques de variation du prix des actifs (matières premières, taux, changes, indices) sont devenus les produits emblématiques de la spéculation, activité qui représente aujourd’hui le plus gros des volumes traités. Un future ou contrat à terme permet pour une somme définie (deposit) de prendre très simplement position à la hausse ou à la baisse sur un actif donné. Tous les contrats de futures sont standardisés et cotés en temps réel sur les différents marchés mondiaux. Tous les futures ont une date d’échéance (trimestrielle ou mensuelle) ce qui implique qu’à ce terme, les acheteurs et les vendeurs doivent respectivement acheter et vendre le sous-jacent fixé dans le contrat à la date de livraison. Dans les faits il suffit de clôturer ses positions avant la date d’échéance pour que cette obligation disparaisse (c’est le cas pour 99% des contrats qui n’arrivent pas à l’échéance).
Les futures couvrent essentiellement les indices boursiers, les taux d’intérêt, les devises et les matières premières et permettent en général de bénéficier d’un effet de levier de 5. Il existe également des futures sur actions dénommés Universal Stock Futures et cotés sur Eutonext.Liffe. Pour intervenir sur les futures il faut ouvrir un compte chez un broker qui propose l’accès à ces marchés et disposer au minimum du deposit nécessaire pour pouvoir intervenir sur ces contrats. Ce montant est variable selon les sous-jacents sur lesquels ils portent et les brokers proposent souvent des deposits réduits pour les opérateurs qui réalisent un aller-retour dans la séance. Passer un ordre d’achat ou de vente est très simple et le compte du trader est instantanément ajusté de la perte ou du gain réalisé à la clôture d’une position. Si le trader conserve une position à la clôture du marché (une position ouverte), le cours de clôture servira de référence pour créditer ou débiter le compte de la plus ou moins-value. C’est ce qu’on appelle l’appel de marge et qui est réalisé tous les jours à la clôture. Il faut donc s’assurer d’avoir les montants suffisants sur son compte de trading pour faire face aux appels de marge successifs dans le cas où la position du trader serait défavorable plusieurs jours de suite.
Les CFDs
Un CFD qui signifie « Contract For Differences » est un produit dérivé qui permet de spéculer facilement en utilisant l’effet de levier, en général de 5 sur les indices et jusqu’à 20 sur les actions ! Les CFDs connaissent un succès grandissant depuis leur apparition en France fin 2007. En intervenant sur les CFDs, un trader peut jouer à partir d’un seul compte les variations à la hausse ou à la baisse de sous-jacents aussi différents que les actions, les indices boursiers, les taux d’intérêt, les devises ou les matières premières. Les CFDs ne sont pas cotés sur Euronext mais uniquement chez l’émetteur de ces produits. Chaque émetteur assure la cotation de ses propres CFDs et garanti en tant que teneur de marché une fourchette de prix à l’achat et à la vente.
Tout comme les futures, ces produits se traitent très simplement. A chaque clôture de position, le trader encaisse ou perd le montant correspondant à la différence entre le prix de vente et le prix d’achat. Il n’existe pas de commissions sur les ordres passés car les frais de transactions sont inclus dans l’écart entre le prix auquel on peut acheter et le prix auquel on peut vendre. Ce coût de spread peut d’ailleurs varier selon les heures, d’autant que certains émetteurs assurent des cotations sans interruption du lundi au vendredi !
Les Turbos
Les turbos sont des produits d’investissement particulièrement spéculatifs. Ils permettent de prendre une position à la hausse (turbo long) ou à la baisse (turbo short) sur un sous-jacent donné. Les turbos permettent d’intervenir sur l’indice CAC 40 ainsi que sur les plus grandes valeurs de la cote.
Les turbos connaissent un intérêt croissant. Ainsi en 2008 le volume traité sur les turbos a dépassé celui enregistré sur les warrants. Les turbos ont de quoi séduire les spéculateurs avides de sensations fortes puisque dans certaines circonstances l’effet de levier peut dépasser 100 !
Cotés sur Euronext, la particularité des turbos est d’intégrer un seuil de sécurité encore appelé barrière désactivante. Le seuil de sécurité est un niveau de prix défini qui est inférieur (turbos calls) ou supérieur (turbos short) au prix du sous-jacent. À aucun moment le prix du sous-jacent ne doit toucher le niveau du seuil de sécurité. Si cela devait arriver (cours du sousjacent égal ou inférieur au seuil de sécurité pour les turbos long ou sous-jacent égal ou supérieur au seuil de sécurité pour les turbos short) le turbo serait immédiatement désactivé. C’est purement et simplement la mort du produit et l’investisseur perd sa mise de départ (mais jamais plus), et ce même si les cours évoluent favorablement par la suite.
Il existe pour un sous-jacent donné plusieurs turbos long et short avec des seuils de sécurité différents.
Le trader peut ainsi choisir selon le niveau du seuil de sécurité un effet de levier plus ou moins important selon le risque qu’il souhaite prendre. Car plus le seuil est proche du sous-jacent et plus l’effet de levier est important. La valeur d’un turbo est cotée en temps réel et la liquidité est assurée
par l’émetteur qui tient le rôle de teneur de marché. Leur prix dépend de l’évolution du sous-jacent avec un effet de levier différent selon le choix du turbo. Ces produits financiers sont des valeurs mobilières. Les frais de courtage sont donc similaires à ceux des actions.
Gestion du risque et frais de courtage
Les contraintes pour faire du trading sont purement monétaires puisqu’il suffit d’ouvrir un compte chez un courtier en ligne pour intervenir sur les produits dérivés. Seulement attention ! Le succès en trading est rare avec beaucoup d’appelés et peu d’élus. On connaît assez précisément les raisons qui expliquent les échecs tout en mettant en évidence les facteurs clefs de succès. La principale raison de l’échec en trading est l’absence de gestion du risque ou bien son manquement. Pour ceux qui arrivent à survivre on peut isoler quelques constantes : l’application rigoureuse d’une gestion du risque, la patience nécessaire pour se concentrer uniquement sur les ordres qui offrent le meilleur rapport risque/ rentabilité pour atteindre des objectifs raisonnables.
La préoccupation majeure des investisseurs qui veulent se lancer dans le trading est la recherche d’une méthode dont ils pourront s’inspirer pour garantir le succès de leur activité. Cela peut effectivement sembler essentiel, mais c’est pourtant secondaire. Comme pour toute activité, la finalité du trader est sa survie financière pour garantir la pérennité de son activité de trading. Pour cela le trader doit s’astreindre à des règles simples de gestion du risque pour minimiser la probabilité de ruine. La règle simple consiste à ne pas accepter de perdre, pour chaque opération engagée, plus de 1% de son capital de trading. C’est une règle qu’il faut scrupuleusement respecter. Son non respect augmente considérablement le risque de ruine qui peut en découler. (Voir tableau 2)
Un autre point essentiel à prendre en compte est l’impact des coûts induis pour déterminer la rentabilité exigée de son trading. L’activité de trading génère en effet des coûts. Il y a bien entendu les coûts matériels (ordinateur, flux temps réel, etc) pour exercer son activité mais il y a surtout les frais de courtage et les frais de spread. Les frais de courtage sont ceux prélevés par le courtier pour chaque transaction passée. Les frais de spread représentent quant à eux la différence constatée entre le prix auquel on peut acheter (prix offert) et le prix auquel on peut vendre (prix demandé). En effet à un instant « t » le prix demandé est toujours supérieur au prix offert. Cette fourchette plus ou moins élargie selon la liquidité de l’actif peut représenter un coût important pour les traders qui font plusieurs allers-retours pendant une même séance. Les frais sont déterminants dans une approche de trading car ils fixent le niveau des coûts qu’il faut dépasser pour rentabiliser son trading. (Voir tableau 3). Sur un an cela peut avoir un impact conséquent sur la performance nette des traders.
Quelle capitalisation pour débuter en trading ?
Les montants que le trader peut accorder à son activité de trading sont une donnée importante. Le trader n’a souvent pas conscience de l’impact inconscient que peut avoir le montant de son capital disponible sur son comportement. Les études sur les performances des traders particuliers relativement à la taille de leur compte démontrent que ceux qui détiennent un « petit » compte de trading (< 20.000 $) espèrent utilizer cette somme pour gagner rapidement de l’argent. A l’inverse ceux qui spéculent à partir d’un portefeuille conséquent (> 100.000 $) cherchent avant tout à protéger leur capital de trading.
Il s’en suit des comportements opposés en termes de prise de risque. Les premiers recherchent des gains absolus et auront tendance à passer de nombreux ordres à la recherche d’opportunité de gain additionnel. Les second, eux, raisonnent en termes de rendement, prennent beaucoup moins de risque en limitant leurs interventions aux seules opérations qui offrent un couple rentabilité/risque très favorable. On comprend aisément qu’un trader ayant un compte de 100.000 € se satisfera d’un rendement de 10 à 50%. Pour le trader souscapitalisé par contre cela ne suffit pas, car ces rendements, rapportés au capital de trading, restent modestes pour une activité qui réclame une attention permanente tout au long de la journée.
La sous-capitalisation peut donc représenter un risque chronique pour le trader débutant. Pour ceux qui souhaitent commencer le trading avec un petit capital, il est donc important de raisonner en termes de rendement relatif (performance en pourcentage) et non absolu (montant des gains) et se fixer des objectifs de rendements réalistes afin de ne pas tomber dans le piège de la sous-capitalisation.
Quelles connaissances préalables pour réussir en trading ?
On pourrait naturellement croire que les traders qui disposent de connaissances économiques et financières pointues possèdent un avantage face aux traders qui en sont dépourvus. Eh bien il n’en est rien. La plupart des réussites en trading émanent d’individus qui n’ont reçu aucune formation financière ni économique particulière. Peut-on alors en conclure que ces connaissances sont inutiles en trading ? Sans doute pas, mais il faut considérablement minorer l’importance de ce savoir comme facteur de succès. En effet si l’on exclut les mouvements de marché qui font suite à la prise en compte d’une nouvelle information de marché, les facteurs explicatifs des mouvements à très court terme s’expliquent d’avantage par des raisons techniques que fondamentales.
Si l’on examine les traits distinctifs des traders à succès, dont l’origine est très diverse, on s’aperçoit qu’ils possèdent tous des qualités psychologiques et analytiques communes.
Ils disposent d’une structure mentale solide et font état d’une extrême rigueur tant dans le développement de leur méthode de trading que dans son application. Ce n’est d’ailleurs pas par hasard que l’on rencontre parmi les traders à succès des personnes qui ont exercé des métiers qui requièrent ces mêmes qualités (chirurgiens, militaires, aviateurs, etc.). Le trading est donc un métier qui s’apprend mais qui requière néanmoins une manière de penser spécifique.