Par Sandrine Vincelot-Guiet, Directeur Sélection de fonds et Responsable ESG, VEGA IM

Biais comportementaux:
L’excès d’optimisme (#1), l’illusion du contrôle (#2), l’illusion de la connaissance (#3), le biais de confirmation (#4), l’aversion aux pertes (#5), les heuristiques de représentativité (#6), l’ancrage (#7), le cadrage (#8) et l’illusion des séries (#9).


L’effet moutonnier caractérise le fait d’agir comme les autres et de prendre la même décision. C’est une notion très simple, également appelée mimétisme ou preuve sociale.

Retour aux sources : Le mimétisme consiste, pour un animal ou un végétal, en l’imitation de son environnement. Pour l’insecte et le végétal il s’agit d’une stratégie (imitation des couleurs ou des formes), tandis que l’animal l’utilise comme méthode d’intégration sociale (imitation de ses congénères).

Sur le plan comportemental, le mimétisme est un mécanisme fondamental de l’apprentissage qui passe par la synchronisation de ses propres gestes avec ceux de la personne imitée. Et, sur le plan psychologique, c’est, selon René Girard[1], le mécanisme fondamental du comportement humain dont dérive la totalité des éléments de culture selon une certaine logique. On retrouve ce mécanisme dans divers domaines : les vêtements, la décoration, les régimes alimentaires, les loisirs, les techniques de management, etc « c’est la mode, la tendance…c’est en vogue ! »

Mais revenons à nos moutons … (et oui, il fallait oser). La formation de certaines bulles spéculatives est largement expliquée par le mimétisme, tout comme certains krachs boursiers. Sans tenir compte des réels fondamentaux, la masse des investisseurs suit quelques leaders d’influence. Cet effet moutonnier peut être très profitable lors de tendance très marquée à la hausse. D’ailleurs, des décisions préprogrammées sur des logiciels d’achat/vente de titres (déclenchant une opération automatique à partir de l’atteinte d’un niveau identifié de cours) ont été accusées d’avoir accentué des phénomènes de mimétisme et provoqué un krach sur les marchés financiers.

L’effet moutonnier permet de suivre la tendance générale du marché, au lieu de se placer contre. Ce comportement peut être considéré comme irrationnel, car il s’agit de reproduire aveuglement des décisions prises par d’autres. Toutefois, il peut être rationnel d’adopter un comportement moutonnier si cela permet de profiter d’informations révélées par d’autres, que l’on croit souvent  mieux informés que nous… Pour John Maynard Keynes2, en finance, il vaut mieux avoir tort avec tout le monde que raison tout seul.

Enrichissons les notions évoquées ci-avant avec les conclusions de plusieurs études. Les investisseurs sont sujets à 4 types de mimétisme :

–      Le mimétisme simple : l’effet de groupe inconscient,

–      Le mimétisme informationnel : supposer que la tendance est due à une information cachée, mais connue par d’autres, et qui est contenue dans le prix,

–      Le mimétisme auto-entretenu : chaque investisseur anticipe la disposition des autres au mimétisme et donc au maintien de la tendance,

–      Le mimétisme par justification : si le choix d’investissement n’était pas bon, il sera plus facilement justifiable si on a fait comme tout le monde.

En complément, prenons connaissance des résultats d’une récente étude réalisée par Tristan Roger:

–      les investisseurs individuels français sont sujets aux comportements moutonniers, les hommes étant plus susceptibles d’adopter ce comportement que les femmes.

–      Les investisseurs spécialisés (notamment ceux qui utilisent des produits dérivés) adoptent moins ce type de comportement que les investisseurs peu spécialisés.

–      Les investisseurs qui ont eu de mauvaises performances par le passé sont plus enclins à « suivre le troupeau ».

Alors, même si le phénomène de tendance sur les marchés financiers reste ce qu’il est, si, maintenant, on vous dit que plus il y a de monde qui approuve une idée, plus cette idée est bonne; ou bien encore, si un vendeur vous affirme que son produit est le plus vendu : vous aurez raison de penser que c’est absurde. Ce n’est pas parce que beaucoup disent n’importe quoi qu’ils sont dans le vrai, non ?

[1] René Girard, 1923-2015,  était un anthropologue, historien et philosophe français

2 John Maynard Keynes, 1883-1946,  était un économiste et un mathématicien britannique, fondateur de la doctrine économique à laquelle il a laissé son nom, le keynésianisme

Tristan Roger est Maître de conférences à l’Université Paris-Dauphine, sa principale étude, intitulée (What drives the herding behavior of individual investors ?), co-réalisée avec Maxime Merli, porte sur 87 373 investisseurs français dont le comportement a été étudié entre 1996 et 2006, Prix 2017 du jeune chercheur de l’AMF

 

By Action Future

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